Je trouve que le titre reflète aujourd’hui mon état d’âme. Etre thérapeute englobe aussi bien les « officiels » que ceux qui œuvrent discrètement, mais avec tout autant de zèle pour améliorer la condition humaine.
Je me suis retrouvé à l’hôpital où je fus confronté à ceux qui exercent la médecine. Je pensais qu’ils avaient nécessairement une noblesse du cœur pour œuvrer dans le soin. Je me suis trompé. Pour certains d'entre eux, il y avait vraiment de la compassion et l'amour du métier. Mais pour d'autres ce fut tout simplement incroyable. J’ai eu devant moi des personnes avilissantes, profitant de l’état de faiblesse du patient, pour juger et maltraiter. Je n’en reviens toujours pas. Ces médecins ne sont que des cerveaux tortueux, remplis de formules mais qui ont oublié l’essence même de celui qui soigne: la dignité.
Un peu d’étymologie nous fera le plus grand bien: dignité vient du mot daigner de racine indo-européenne dek (consentir à faire quelque chose) qui donnera des mots comme convenir, bienséance, décence et des mots comme parer et décorer. La dignité est donc simplement l’acte humain d’habiller l’autre, mon alter ego en le respectant dans ses idées ce qui lui permet de rester libre de consentir, d’être décent.
Sans elle, point de salut car elle permet à chacun de de se mettre à la place de l’autre et de s’unir à l’humanité qui est en chacun de nous.
Cette humanité est quelque peu bafouée par des intolérants, des dogmatiques, des vendeurs d’âme plus que des guérisseurs.
Je crois en l’humain tel que le définit Nietzsche: Chacun est pour lui-même le plus lointain.
Se chercher soi-même le plus loin possible de soi et le plus loin possible en soi. Se chercher soi-même comme le plus lointain des lointains.
Comment parler d’humanisme alors que chacun d’entre nous peut faire un constat assez simple que nous sommes plus dans les ténèbres que la lumière. Je sais que cela est une vision pessimiste car elle ne se borne qu’à quelques dizaines d’années. Entre les années 1960 aux années 1990, se fut une vraie libération émotionnelle. Liberté! Chacun fait ce qu’il lui plaît et personne ne peut contredire cet état de fait.
Et puis arrive internet et sa masse énorme d’informations. Le choc est terrible et bien évidemment nous n’y sommes pas préparés. Comment d’ailleurs aurions-nous pu? Du jour au lendemain, chez soi, toutes les bibliothèques des monde sont à notre disposition. Mais le Yin n’existe jamais sans le Yang et inversement. Si la lumière illumine les plus avides de savoir, elle à son pendant l’obscurité, et avec elle, non le savoir mais le pouvoir. Pouvoir… Maître mot de touts les possibles jusqu’à l’horreur.
Il ne s’agit pas de faire l’apologie du bien contre le non-bien. Il y a suffisamment de dystopie dans tout ce qui nous entoure pour en rajouter. A ce propos, pour rejoindre ce qu’écrit Abdennour Bidar « histoire de l’humanisme en occident », comment se fait-il que le cinéma, libre expression du rêve et véhicule extraordinaire pour dynamiser l’esprit de cohésion et d’union entre les hommes, laisse en fait, le glauque, l’horreur et la déchéance comme seule information possible dans les films? Il suffit de regarder Netflix pour se rendre compte que tous ces films contribuent à nous entraîner vers les bas-fonds. Alors qu’il a ce pouvoir énorme de transformer la tristesse en joie, la haine en amour et d’unir tout le monde dans, a minima, un regard vers et pour l’autre.
« Connais-toi, toi même », fameuse injonction de Socrate! Mais derrière cette phrase assez simple se cache la tache la plus difficile, la quête infinie de l’homme. L’universel humain est au coeur de chaque singularité personnelle.
Universalité… Trouver l’homme, trouver ce qu’il est au plus profond de lui, le sacraliser et non l’humilier est le devoir de chacun d’entre nous. Comment avons-nous pu oublier ce que nous sommes? Impossible d’en faire le tour, tellement cet homme est incroyable. Nous sommes partis sur le côté mécaniste de celui-ci. Nous y avons découvert des muscles, des os, des organes, des physiologies, des chimies qui repoussent toujours plus notre propre savoir sur cette perfection. Aujourd’hui s’ouvre le domaine de l’information et là, les limites sont carrément refoulées aux confins de l’univers. Le Kosmos (universel) devient alors la bulle dans laquelle flotte le gemme le plus sacré des sacrés, l’homme.
Etre thérapeute devient alors un exercice complexe car il englobe une technique, un savoir mais qui ne peut, ne doit s’exercer seul. Il faut aussi la quête, le chemin de la connaissance, aller chercher au fond du plus lointain de nous, en l’autre très souvent, le point commun (COMME UN) notre unité, notre extraordinaire adaptation et surtout notre capacité de résilience. Là encore nous ferons un petit tour vers l’étymologie car elle nous garantit de bien comprendre de quoi nous parlons. Résilience vient de saillir (surgir avec force) famille de sal, sauter. En latin salire, adsilire (se jeter sur), resilire (rebondir et sauter en arrière). Ainsi résilience, c’est la capacité à rebondir et à revenir « comme avant ». Cette force qui nous permet de mettre entre parenthèses, les plus grandes souffrances ou les plus grands fléaux.
Nous allons avoir besoin d’énormément de résilience. Le monde est fou et nous sommes divisés. Le jeu actuel étant d’augmenter la peur et de générer des clans. Il est difficile de prédire comment cela va impacter l’humain. Devra-t-il aller au bout de lui-même dans cette fange nauséabonde de flagornerie et d’hypocrisie, ou bien quelque part, déjà, le gemme de l’humanisation est en train de croitre pour accepter pleinement sa liberté qui ne peut aller sans sa responsabilité? Aucun pronostic n’est possible. Seule vérité indéniable, il y a mensonge et manipulation pour prendre certains produits plutôt que d’autres. Comment se dépatouiller de tout cela? En parlant, en s’unissant et en respectant les choix de tous.
Etre thérapeute, c’est maitriser son sujet et le perfectionner toute sa vie afin d’être en totale osmose, en harmonie parfaite dans le geste et le ressenti. Et rester toujours humble, vis-à-vis de cette connaissance qui sera de toute façon limitée par notre propre entendement. Parfois le dépassement de ses préjugés, de ses croyances prend une vie entière. Mais c’est notre prix à payer à l’univers. Car, et cela ne doit jamais nous échapper, « homo sum; humani nihil a me alienum puto. Je suis homme et rien de ce qui est humain ne m’est étranger » Terence
Etre thérapeute c’est donc s’instruire de l’autre. C’est l’écouter vraiment, le voir vraiment et accepter ce qu’il est, même si un immense hiatus de la pensée nous sépare. Car il est homme et donc une part sacrée de ce que je suis qui ne doit pas m’être inconnue.
Ne pensez pas que je sois béni-oui-oui. La vie ne se voit pas au travers de lunettes rose. « Rien n’est la proie de la mort, tout est la proie de la vie » A. Béchamp. Cette phrase doit être inscrite dans notre cerveau. La mort n’est pas puisque nous sommes en vie. Donc il ne s’agit nullement de l’incriminer. Ce qui nous rend malade, c’est notre rapport à la vie.
Etre thérapeute c’est donc se poser cette question sur la vie. La regardons-nous par le bon côté de la lorgnette? Un médecin donnera sa définition de la vie, cela sera sa vérité. Un acupuncteur en donnera une autre, là encore, ce ne sera que sa vérité. Mais y a-t-il une vérité à cette question?
Je le crois, mais nous n’y sommes pas encore prêts. Il faut échanger, partager, se respecter. Cela ne pourra se faire que dans des lieux d'échange, c'est-à-dire des endroits où des règles de bonne conduite et de tolérance sont de mise. Par exemple, par un ami proche, j'ai appris que le village se réunissait régulièrement et échangeait sur les différents problèmes que chaque personne rencontrait. Et pour prendre la parole il y a un bâton. Si ce bâton n'est pas en votre possession, alors vous ne pouvez parler. C'est un exemple de règle qui permet de maitriser les passions du cœur.
A vous tous, en cette fin d’année complexe, qui laisse plus de questions que de réponses, je voudrais vous souhaiter les plus belles ténèbres afin que jaillisse, en son temps, la plus lumineuse des lumières.
L’alchimiste sait que l’œuvre ne se fait pas seul. On y participe mais à un certain moment, cette pierre philosophale doit être enterrée au plus profond des entrailles de la terre afin que l’unité, puisse œuvrer délicatement avec discernement à la fertilisation de celle-ci.
Notre pierre philosophale est notre esprit. Nous ne devons jamais oublier qu’un être vivant est le plus précieux de la vie.
Notre profondeur, nos entrailles, notre terre génitrice se trouve dans notre coeur. Ici s’y enferme les plus grands secrets afin qu’ils transmutent en une parfaite lumière.
L’unité est ce qui nous unit sur le plan horizontal, entre nous les vivants et sur le plan vertical à tout ce qui nous dépasse. L’homme est la mesure de toute chose (Protagoras). Oui certes, mais peut-être est-il lui-même cette mesure? Dans ce cas, au jour de la nuit la plus longue, je vous souhaite à toutes et tous de mesurer combien vous rayonner dans vos actions. La nuit la plus longue laisse le temps au Hun de voyager au plus loin de ce qui ne nous à jamais été permis d’atteindre.
Je vous souhaite de revenir digne, serein, et respectueux de la vie elle-même.
De joyeuses fêtes, de beaux sourires et de la vie plein de foi en l’humain.
J Motte
Merci Jean M pour ce message d’une grande résonance. Tout est dit. La Lumière luit dans les Ténèbres